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Interview de

Olivier Lenoir

30 ans

Coordinateur National de Programme & Directeur du Développement d'Unis-Cité

 

web : www.unis-cite.org

Pouvez-vous nous décrire votre métier ou emploi actuel ?
"J’ai une double casquette de Coordinateur National d’un Programme expérimental de Volontariat de Lutte contre l’ Exclusion et de Directeur du Développement d’Unis-cité.
Unis-cité est un réseau associatif qui défend l’idée d’un service civil de solidarité sur la base du volontariat. Des jeunes de 18 à 25 ans s’engagent à temps plein sur des périodes de 6 à 9 mois pour effectuer en équipe de 7 des actions sociales et environnementales. Unis-Cité propose une manière innovante de s’engager pour changer à son échelle la société.
En tant que Coordinateur National du Programme de Volontariat Lutte contre l’Exclusion, je pilote un programme expérimental de 6 mois, dans 5 régions afin de montrer concrètement la pertinence du service civil de solidarité. Ce programme est soutenu par des acteurs tant publics que privés. L’objectif de ce projet est d’évaluer l'impact social du service civil de solidarité afin de mobiliser des partenaires (publics et privés) pour le rendre accessible au plus grand nombre de jeunes.
J’occupe aussi le poste de Directeur du Développement d’Unis-Cité. Mon rôle est de proposer aux entreprises des manières innovantes et solidaires de mobiliser leurs salariés sur ce programme de service civil. Un club des entreprises leader du service civil est en train de se constituer autour de nos partenaires historiques.
"

S'agit-il selon vous d'un nouveau métier ou d'une nouvelle façon d'exercer un métier traditionnel ? Et en quoi contribue-t-il, à vos yeux, à créer une valeur ajoutée sociale ou environnementale ?
"Unis-cité est un projet plein. Il rassemble les acteurs publics (Europe, Etat, collectivités locales) et privés (entreprises, individus) autour d’une cause commune : la solidarité. Cette solidarité, c’est celle des jeunes de 18 à 25 ans qui s’engagent en équipe dans des actions sociales et environnementales : réhabiliter des logements sociaux, animer une maison de retraite, travailler main dans la main avec des publics en insertion, …
C’est un métier nouveau parce qu’il est au centre des questions de sociétés, mettant autour de la table l’ensemble des acteurs de la société civile (monde politique, associations, entreprises, …)."

Pourquoi avez-vous choisi cet emploi ?
"Parce que j’ai compris que l’envie et le sens sont mes carburants, j’ai choisi de m’engager pour apporter ma pierre à la construction d’une vision de la société portée par Unis-Cité. Je suis convaincu que nous avons une grande capacité à changer notre environnement et notre regard sur le monde actuel. Etant donné qu’il nous est possible de le faire, nous en sommes responsables, ensemble. Si certains sociologues affirment : "On a les opinions de sa condition", les africains pensent "qu’aucune condition n’est permanente". C’est plutôt encourageant."

Quel a été votre parcours professionnel et personnel pour arriver jusqu'à ce poste ? A quand remonte votre envie de faire ce que vous faites aujourd'hui ? Y-a-t-il eu dans votre parcours un tournant décisif, une prise de conscience ?
"A la suite de mes études, je suis parti avec trois amis faire un tour d’horizon de la jeunesse étudiante du monde. C’était en 1999, par jeu nous avions appelé ce projet Horizon 2000 Horizons. Pendant 15 mois, nous sommes allés d’université en université dans 25 pays sur les 5 continents pour poser trois questions : Qui es-tu ? Quelle est ta vision de ta société ? Comment veu- tu la changer ? J’ai appris de ces entretiens d’immenses richesses sur le monde et l’idéalisme, sur l’envie, les rêves et les frustrations. C’était un voyage initiatique, une ouverture.
Attiré par l’Amérique du Sud, j’ai choisi de faire ma coopération au Brésil, chez Renault, dans l’intéressante ville de Curitiba. Dans un pays où les pouvoirs publics ne jouent pas leur rôle social, certaines initiatives privées (individus, entreprises) dans le domaine de la solidarité sont remarquables. A cet égard, les Brésiliens ont énormément de choses à nous apprendre sur la responsabilité sociale des entreprises. Ce n’est pas un hasard si le Forum Social Mondial se tient dans le sud du Brésil.
De retour au pays, j’ai eu la chance de tomber sur un entrepreneur social de talent, Jérôme Schatzman, à l’époque Directeur de la Table de Cana à Anthony. A ses côtés, j’ai travaillé près d’un an dans cette entreprise d'insertion qui, à travers son activité de traiteur, permet à des publics en difficulté de retrouver leur place dans la société en apprenant un travail. Au-delà des difficultés rencontrées, j’ai aimé le projet humain de cette entreprise et le supplément d’âme qui l’habitait. Graine plantée.
J’ai ensuite pris un poste d’encadrement chez Sodexho. J’ai géré 8 restaurants d’entreprises réalisant 4 000 repas/ jour par une centaine de salariés. Un métier passionnant mais très dur. Un métier où souvent le résultat prime sur l’humain. Ce fut une expérience constructive."

Avez-vous eu à surmonter des difficultés pour arriver à ce métier ou emploi, et si oui lesquelles ?
"J’ai hésité longtemps avant de faire le pas. J’ai rencontré des acteurs de l’économie sociale et solidaire, j’ai pris temps de la réflexion, j’ai lu des livres de développement personnel. J’ai même fait un bilan de compétences. Bref, une révolution et puis, un jour, j’ai eu un déclic et cela m’a semblé naturel. Cherche et tu trouveras !"

Vos études vous ont-elles bien préparé, ou non, à ce qui vous occupe aujourd'hui ?
"Je suis diplômé de l’ESSEC, promo 98. L’intérêt de ces formations réside dans les armes qu’elles procurent. Généralistes, elles laissent le choix. Elles peuvent avoir le travers de formater si les diplômés ne se posent pas assez de questions, générant des crises de sens comme autant de bombes à retardement. Je regrette que des matières telles que l’Histoire, la Philosophie, le Grec ou le Latin ne soient pas plus valorisées.."

Dans quelle mesure votre emploi actuel fait-il écho à vos valeurs et à vos engagements personnels ?
"Le projet d’Unis-Cité reprend les grandes lignes de ce qui m’anime : un projet humaniste, ouvert, résolument tourné vers l’avenir, innovant et ambitieux. Il propose une réponse à la question … et maintenant, que vas-tu faire pour changer les choses, à ton échelle ?
Mon métier a pour objet de développer ce projet. Tudo bom (tout va bien, en brésilien) !"

Quelles sont les plus grandes satisfactions personnelles, mais aussi les plus grands défis, que votre emploi actuel vous apporte au quotidien ?
"Les satisfactions : savoir que je suis sur un chemin de cœur. Plus concrètement, participer au développement harmonieux d’un projet proche des valeurs qui m’animent.
Et, du côté des défis : permettre à tous les jeunes de 18 à 25 ans, en France, de donner une année pour la solidarité. Fermez les yeux et imaginez ce projet avec 10 000 jeunes mobilisés chaque année en France. Ca déménage, non ?"

Considérez-vous que vous avez fait, ou faites encore, des « sacrifices » personnels (temps personnel/vie privée, salaire, etc.) pour ce métier/emploi ?
"J’ai laissé de côté une partie de mon salaire, mais ce n’est pas un sacrifice. Il s’agit d’un choix de vie. Il faut sortir des grilles de salaires de tel ami de promo qui gagne tant. Ce microcosme rend aveugle. Pour autant, le secteur associatif a besoin de compétences et de convictions (les deux sont essentielles). Cela suppose des niveaux de salaire adaptés."

Compte-tenu de votre expérience, quels conseils et/ messages d’encouragement donneriez-vous à un jeune diplômé (ou à un ami en voie de reconversion professionnelle) souhaitant trouver un métier/emploi en phase avec ses valeurs et engagements personnels ?
"1/ Prends ton temps, tu as le temps ;
2/ Il n’est jamais trop tard ;
3/ Rencontre du monde ;
4/ Ecoute ton désir et suis-le ;
5/ Ne te décourage jamais, recommence."

Et enfin : quelles sont les lectures, formations ou visites (lieux, sites web, organisations, etc.) qui vous ont personnellement inspiré(e) et que vous souhaiteriez recommander à quelqu’un voulant réconcilier travail et valeurs ?
"Je pense qu’il faut sortir de la fureur et du bruit. Etre seul, écouter ce qui compte, prendre du recul, être réflexif.
Mermoz, de Kessel permet de prendre de la hauteur.
Deviens qui tu es (à la Fnac) est un bon livre pour mieux se connaître.
Je crois que le silence est un excellent conseiller … et un bon médiateur vers soi."

 

 


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