NewsletterCitations inspirantes


Numéro 40 - Avril 2009
Notre revue de l'information positive sur le web… et ailleurs

Pavan Sukhdev veut estimer la valeur de la nature…
La question du prix des services (gratuits) que nous rend la Nature, et par contraste du coût de sa dégradation, est le sujet qui monte des années à venir... et le sujet qui obnubile depuis un peu plus d’un an Pavan Sukhdev, 48 ans, un banquier d’origine indienne qui a exercé à Londres pour Deutsche Bank, dans les salles des marchés pendant 25 ans. La raison ? Inspirés par le rapport Stern, paru en 2006 et qui évalue l’impact du changement climatique sur l’économie mondiale en cas d’inaction (5 à 20% du PIB mondial par an contre 1% du PIB mondial pour contrôler les émissions et stabiliser des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre), les ministres de l’environnement de l’Union Européenne ont lancé en 2007 une étude similaire portant cette fois sur la perte des écosystèmes et de la biodiversité. Et c’est à Pavan Sudhkev qu’ils ont confié la réalisation de ce rapport sur la biodiversité, parent pauvre des sujets écologiques médiatisés quoique support indispensable de notre existence. Selon Sudhkev, le problème vient du fait que, comme le disait Adam Smith, ce qui est très utile – comme l'eau, par exemple - n'a pas toujours une grande valeur alors qu’à l’inverse ce qui a beaucoup de valeur – comme par exemple les diamants - n'est pas forcément très utile. D’où sa conviction : pour bien gérer notre sécurité écologique, il faut donner un peu plus de valeur à l'eau, à la forêt, à tous les services essentiels rendus par la nature... que l’on ne sait pas mesurer aujourd’hui et que le capitalisme actuel échoue logiquement à prendre en compte, même si des efforts considérables ont déjà été faits en ce sens (on sait désormais, par exemple, que la valeur monétaire mondiale des services rendus par les écosystèmes s'élève à environ 32 349 milliards de dollars par an, là où le PIB mondial est de 68 623 milliards de dollars).
Son étude, dont la publication est prévue pour 2010, a d’ores et déjà livré des premières conclusions édifiantes dans un rapport d’étape publié en juin dernier : 60 % des écosystèmes planétaires ont subi d'importantes dégradations au cours des dernières décennies et, si les tendances actuelles se poursuivent, 10 % des espaces naturels sont voués à la disparition d'ici à 2050. Pire encore : la dégradation des écosystèmes pourrait coûter 7% du PIB mondial chaque année, dès 2030, si on ne mobilise pas les gouvernements sur le sujet.
Pour en savoir plus, téléchargez le rapport d'étape de Pavan Sukhdev en Français au format PDF.

Wulf Daseking : la ville de demain se construit dans les têtes…
"Il y a deux types de personnes au monde : celles qui vivent à Fribourg, et celles qui aimeraient y vivre." Architecte de formation, Wulf Daseking, est depuis 24 ans directeur de l’urbanisme de la ville de Fribourg-en-Brisgau, pionnière internationalement reconnue des éco-quartiers avec notamment le quartier Vauban. Ce quartier, créé à l’initiative d’un groupe d’habitants soutenus par la Mairie en 1996 sur le terrain d’une ancienne caserne française, est un ensemble de maisons à énergie positive, avec toitures végétalisées, panneaux solaires et matériaux écologiques pour la construction. Quasi-unique, il est très visité par tous ceux qui, dans le monde, s’intéressent à l’urbanisme durable… Pour Daseking, les villes sont au cœur de la grande question qui se pose aujourd’hui : comment l’humanité peut-elle vivre sur la planète ? "Rendez-vous compte : plus de 50% de la population mondiale vit désormais en ville, et ce sera 75% en 2050, contre 10% seulement en 1900. La croissance de la population se concentre, non pas dans nos pays développés où la vie est plutôt facile, mais dans les pays du Sud, où les gens viennent habiter en ville en espérant vivre mieux : 400 millions de villes dans le monde ont plus d’un million d’habitants, soit le double d’il y a 30 ans, et 20 villes ont plus de 10 millions d’habitants". Le problème, selon lui, est que 95% des développements urbains se font sans planification, sans réelle prise en compte des questions d’énergie, d’eaux usées, de mobilité,… au contraire de ce qui a été fait à Fribourg.
En amont de la construction, les villes de demain devront, pour Wulf, être conçues sur la mixité : il faut intégrer, et non séparer, les pauvres et les riches, les jeunes et les vieux, les ethnies, les religions, ceux qui ont une voiture et ceux qui n’en ont pas, etc. "Dans le Quartier Vauban, nous avons préféré la densité à l’étalement, mélangé les lieux de divertissement et les lieux d’éducation, les espaces construits et les espaces verts, etc. D’ailleurs cette proximité, et l’accessibilité des transports en commun, valorise fortement l’immobilier. Tout a été pensé en amont pour que dès le début les gens ne ressentent pas le besoin d’acheter une voiture. Du coup, nous n’avons que 85 voitures pour 1000 familles, 7 fois moins qu’en Allemagne." Et de conclure : on peut changer les villes sans gros budget, il suffit de changer les mentalités. Les clefs pour cela ? "L’éducation des enfants, dans les crèches, les écoles ou les favelas, et la création d’espaces de dialogue public où les gens peuvent faire part de leurs problèmes mais également de leurs idées pour les résoudre."
Pour en savoir plus, connectez-vous sur le site de la ville de Fribourg et sur celui du quartier Vauban.

Chris Jordan photographie la face cachée de la consommation de masse
Longtemps, Chris Jordan, ex-avocat d'affaires reconverti dans la photo, a eu une approche intellectuelle de son art : "j'avais une théorie fumeuse que j'avais appelée couleur cosmique", raconte-t-il avec humour. "Et un jour j'ai fait une photo de bouteilles en plastique de toutes les couleurs dans une décharge, et en la regardant, mes deux amis les plus proches se sont lancés dans un débat sur les excès du consumérisme et m'ont dit : la couleur cosmique n'a aucun intérêt, mais là, par hasard, tu as enfin fait une photo qui vaut quelque chose !" Encouragé par ces échanges, Chris décide alors d'approfondir cette réflexion et part à la recherche des coulisses du mode de consommation outrancier qui caractérise son pays, les Etats-Unis : "j'ai lu et fait des recherches sur le sujet, et j'ai réalisé à la fois l'ampleur du phénomène et ma propre contribution directe à cette catastrophe". Porté par cette révélation, Chris Jordan réalise une première exposition baptisée "Intolerable Beauty - Portraits of American Mass Consumption" qui tourne entre 2003 et 2005 : des photos en grands formats représentant l'accumulation de déchets quotidiens ou d'objets qui sont la face cachée de l'"US way of life" - des cartes informatiques, carcasses de voiture, des téléphones portables, des chargeurs de téléphones portables, des troncs coupés, des ballots de papier à recycler, mais aussi des palettes en bois, des bidons rouillés, des containers métalliques de transport maritime, etc. Ce projet l'amène à préciser son propos : "avec l'accumulation, je voulais montrer l'échelle hallucinante de notre consommation de masse, mais j'avais l'impression d'échouer toujours car les dizaines de milliers ou les millions de quantités consommées ou jetées sont des notions très abstraites pour le plus grand nombre. C'est comme cela que j'ai imaginé mon projet actuel, que j'ai appelé "Running the numbers - an American self portrait" : l'objectif est de donner à voir ces quantités incroyablement importantes, de traduire ces chiffres en un langage plus universel et sensible." Pour cela, Jordan photographie un certain nombre d'objets, des poupées Barbie aux paquets de cigarettes en passant par des logos, des gobelets en plastique ou des canettes, puis fait les duplique et les monte sur ordinateur pour que le nombre total d'objets représentés sur la photo grand format corresponde à une statistique frappante et révélatrice (2,3 millions de prisonniers aux Etats-Unis, 2 millions de bouteilles en plastique utilisées toutes les 5 minutes, 15 millions de feuilles de papier utilisées dans les bureaux en 5 minutes, 3,6 millions de véhicules 4x4 vendus en un an, etc.). Comme le moteur de nos modes de consommation excessifs sont, selon lui, l'inconscience, les photos sont conçues pour favoriser une prise de conscience progressive et, in fine, un choc qui doit submerger le spectateur au point de faire changer son comportement : vue de loin, la photo représente ainsi une scène qui change et se précise au fur et à mesure qu'on s'en rapproche. Ainsi, une nuit étoilée s'avère en fait représenter 320 000 ampoules à incandescence allumées, soit tout ce qui est gaspillé aux USA à chaque minute du fait d'une utilisation domestique, non efficace (ordinateurs en veille, etc.) ; une tête de mort fumant une cigarette est en réalité un assemblage de 200 000 paquets de cigarettes, le nombre d’Américains qui meurent tous les six mois d’un cancer des poumons ou d’une autre maladie liée au tabac ; une poitrine féminine s'avère en fait composée de 32 000 poupées Barbie, autant que le nombre d'opérations esthétiques pratiquées sur les seins chaque mois aux USA ; un tableau de Seurat, intitulé "la promenade au parc" et peint à l'aube de l'ère industrielle, est en réalisé composé de 106 000 canettes en aluminium, soit le nombre de canettes jetées toutes les 30 secondes aux USA. Et de conclure : "le problème est que notre capacité à nous représenter ce que signifient ces nombres importants n'a pas évolué avec la maîtrise technologique qui a pourtant augmenté notre capacité à produire des choses en séries incroyablement importantes."
Pour en savoir plus : www.chrisjordan.com

Les Babayagas : bien vieillir ensemble… autrement
Vivre ensemble pour vieillir comme elles ont vécu, en femmes libres, engagées et indépendantes : c’est l’idée de trois amies à l’origine de la "Maison des Babayagas" (nom des sorcières des légendes russes, qui habitent une maison montée sur des pattes de poulet avec des murs en pain d’épice et un toit en pâte d’amande). Pour s’éviter l’hébergement collectif pour personnes âgées tel qu’il se propose aujourd’hui, Thérèse Clerc (80 ans), Suzanne Gouefflic (75 ans) et Monique Bragard (75 ans) ont donc conçu il y a dix ans un projet d’anti-maison de retraite "autogérée, solidaire, citoyenne et écologique" qui devrait prochainement voir le jour à Montreuil, avec le soutien de la Mairie et de l’office de HLM de la ville. Concrètement, la Maison des Babayagas, sera une "maison de femmes âgées, solidaires et citoyennes", visant un public de personnes ayant une habitude de vie collective : militantes associatives, etc. Pourquoi un lieu unisexe ? A la fois en hommage aux convictions féministes qui furent le combat de toute leur vie, mais aussi parce que, pragmatiquement, "il y a sept fois plus de femmes que d’hommes passé 80 ans".
Leur vision : vivre ensemble pour ne pas être enterrées vivantes et s’aider à bien vieillir - quand le corps viendra à manquer, celles qui le peuvent encore prépareront à manger à celles qui ne peuvent plus le faire, elles s’aideront à se coiffer, à s’habiller. Les babayagas veulent surtout éviter de penser la vieillesse comme une maladie, de peser sur leurs proches, de devenir une charge, d’être infantilisées : elles veulent être maîtresses de leur vieillissement et ce, jusqu’au bout, jusqu’à la fin de leurs jours, elles veulent mourir heureuses dans leur maison de babayagas ouverte sur la vie de la cité – à laquelle elles entendent d’ailleurs participer autant que possible par des activités de soutien scolaire, d’alphabétisation, etc. La maison se chargera des handicaps par la solidarité au fur et à mesure que ceux-ci deviendront plus importants - le bâtiment (par ailleurs conçu de manière écologique) a été équipé en conséquence. Pour les situations extrêmes de fin de vie (maladies dégénératives, Alzheimer en phase avancée...) nécessitant une médicalisation, il est prévu de réserver deux logements aux invités, ou si nécessaire à l’installation d’une infirmière de nuit. Concrètement, la maison comprendra 19 studios d’environ 35m2 (qui devraient être loués entre 200 et 700 euros par mois, soit huit à dix fois moins que dans une maison de retraite) et un espace de 200 m2 regroupera bibliothèque, laverie, ateliers, salle de réunion, bassin d’hydrothérapie mis à disposition des résidentes. Un projet qui, avant même son inauguration, serait déjà en train de faire école du côté de Brest.
Pour en savoir plus : www.lamaisondesbabayagas.fr

Vers un nouveau statut légal pour les entreprises responsables ?
Les Etats-Unis, on le sait, sont un grand pays, capable du pire mais aussi du meilleur. La preuve : du côté de la responsabilité sociale des entreprises, une grosse poignée de PME innovantes (dont beaucoup basées en Californie) s’attèlent à promouvoir un nouveau statut légal pour les entreprises, baptisé "B Corporation", ou entreprise bénéfique. De quoi s’agit-il ? Le label "B Corporation" est géré par une association, baptisée B Lab, créée en 2006 par trois entrepreneurs de Philadelphie ayant fait fortune dans le matériel sportif et l’immobilier, et qui souhaitaient se consacrer à la promotion d’un modèle plus responsable d’entreprise.
Concrètement, les entreprises qui prétendent devenir une "B corporation" doivent d’abord se plier à un audit très pointu de leurs performances sociales et environnementales, de leurs pratiques industrielles et d’achats, mais aussi de l’utilité sociale de leurs produits. Un référentiel a été élaboré pour cela par B Lab et les entreprises fondatrices (parmi lesquelles on trouve notamment la société de distribution de fournitures de bureaux engagée Give Something Back, qui reverse tous ses profits non-réinvestis à des causes) et il faut avoir une note minimale de 80 sur 200 pour pouvoir prétendre au statut de "B Corporation". Mais surtout, elles acceptent de modifier très officiellement leurs statuts et les autres documents-clefs fixant le cadre légal de leur activité, selon le modèle juridique développé par les entreprises fondatrices. L’exercice vise à rendre explicite le fait qu’elles ne se consacrent par uniquement à la maximisation de la valeur pour l’actionnaire, mais qu’elles élargissent le champ des intérêts pris en compte dans leurs décisions pour inclure ceux de la société, des salariés et de l’environnement au sens large – sans évidemment oublier les actionnaires pour autant. Ainsi, l’engagement social et environnemental est alors intégré à l’ADN de l’entreprise, de sorte qu’un nouveau management, de nouveaux actionnaires ou même un nouveau propriétaire ne peut revenir à un modèle classique, et doit respecter ce pour quoi l’entreprise existe, légalement. A contrario, les fondateurs du modèle espèrent bien que les "B corporations" attireront du coup des investisseurs motivés par la dimension éthique de leurs activités et bien décidé à la préserver voire à la développer ! Autre avantage du modèle : les entreprises qui ont désormais le label "B Corporation" peuvent faire entendre leur voix collectivement notamment en lobbying… et peuvent utiliser leur statut pour se différencier aux yeux des clients ou des investisseurs. A noter pour conclure : 171 entreprises américaines sont désormais certifiées "B Corporation", dont 56 en Californie (comme le fabricant de détergents écologiques Method, le studio de création Free Range, etc.)… et l’une est une filiale américaine d’une marque française, Alter Eco Fair Trade, créée par Tristan Lecomte, qui a décidément toujours un train d’avance.
Pour en savoir plus : www.bcorporation.net

Terra Cycle transforme les déchets en or
TerraCycle est une start-up d'un nouveau genre, créée en 2002 par deux étudiants de Princeton qui ont commencé par transformer les restes alimentaires du restaurant universitaire en un engrais liquide naturel et hyper-efficace, issu de la digestion des déchets organiques par des vers rouges… Vendu dans des bouteilles de soda reconditionnées, cet engrais (désormais fabriqué industriellement sur un convoyeur où vivent les vers qui laissent derrière eux les précieux excréments et remontent sans fin vers l’amont où des déchets organiques compostés sont ajoutés au fur et à mesure) est devenu le produit-phare de l'entreprise, vendu au Canada et aux Etats-Unis, dans les magasins d'enseignes-phares comme WalMart, Home Depot, Target ou Whole Foods… Et entretemps, la marque a lancé toute une série de nouveaux produits pour le jardinage et la maison – tous conçus et emballés avec les mêmes principes. Mais le coup de génie de TerraCycle, c'est d'avoir réussi à faire en sorte que des entreprises la paient pour prendre en charge leurs déchets verts ou alimentaires (elles économisent ainsi des coûts de mise en décharge d'environ 100 dollars la tonne). A la pointe de l’écologie industrielle, TerraCycle réussit ainsi la prouesse d’avoir de dégager du profit net sur la seule acquisition de ses matières premières (20 à 30 dollars par tonne de déchets collectée) ! Et la logique ne s’arrête pas là : la marque, qui continue à utiliser des bouteilles de soda ou de lait récupérées sur lesquelles elle n’a plus qu’à apposer ses étiquettes ou ses pulvérisateurs, a également des accords avec Pepsi ou Stonyfield Farm qui subventionnent son système original de récupération des emballages usagés à travers les écoles et associations du pays (celles-ci sont payées en échange de leurs efforts de collecte)…
Pour en savoir plus : www.terracycle.net

LE PRINTEMPS REVIENT, LES CADEAUX AUSSI ! La newsletter se fait momentanément plus rare, car le temps (comme les resources de la planète) est fini et l'équipe est mobilisée sur le développement de notre autre site Mescoursespourlaplanete.com. Mais les traditions subsistent : Graines de Changement a proposé à ses abonnés, ce mois-ci, en partenariat avec les Editions Village Mondial, de gagner dix exemplaires du livre "L'entreprise Verte" (3e édition) écrit par la co-fondatrice de Graines de Changement, Elisabeth Laville. Cette troisième édition mise à jour et enrichie, qui vient de sortir, intègre de nouveaux chapitres sur l'enjeu climatique, la croissance verte… Ce jeu est désormais clos mais vous pouvez acheter le livre sur Amazon.fr. Et pensez à vous abonner pour être prévenu de la mise en ligne des prochains numéros et pouvoir faire partie des premières bonnes réponses sur des jeux similaires.



Abonnez-vous gratuitement à notre newsletter !

© Graines de Changement, Avril 2009 - Tous droits de reproduction et de diffusion réservés - Si vous souhaitez utiliser ces articles, merci de nous contacter.