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Numéro 11- Décembre 2004/Janvier 2005
Notre revue mensuelle de l'information positive sur le web… et ailleurs

Tchendukua rachète des terres… pour les rendre aux Indiens
Les Kogis, Amérindiens de Colombie, se décrivent comme des êtres "morts" au fur et à mesure qu’ils perdent leurs terres ancestrales, confisquées par les narcotrafiquants, les troupes rebelles des FARC ou la déforestation. Il faut dire que ces terres, dont les Kogis ont perdu 70% en 30 ans, sont les "racines" qui leur permettent d’accomplir leurs rituels et, ainsi, d’accomplir leur mission en préservant l'équilibre de l’univers dont ils se considèrent les gardiens. Des 500 000 individus estimés au XVième siècle, il ne resterait aujourd’hui que 25 000 représentants seulement de ces survivants des Mayas. Parce qu’ils vivaient une existence isolée sur les hauteurs de la Sierra Nevada de Santa Marta, on a même cru un temps que les Kogis avaient disparu… jusqu’à ce qu’un anthropologue les redécouvre dans les années 50.
Géographe de formation et passionné de montagne, c’est en 1985 qu’Eric Julien, alors coopérant en Colombie, a pour sa part découvert les Kogis : atteint d'un œdème pulmonaire lors d'un périple en solitaire dans les montagnes, à 4 500 mètres d'altitude, son cas est désespéré. Il ne devra la vie qu’au fait d’avoir été, par miracle, recueilli et soigné par les Kogis : durant sa convalescence, Eric se passionne pour la culture de ces héritiers des plus brillantes civilisations précolombiennes et, pour les remercier de lui avoir sauvé la vie, il promet de les aider à récupérer leurs terres. Quelques années après son retour en France, en 1997, il crée, l'association Tchendukua – Ici et ailleurs. L’idée est simple : mobiliser des dons, en France, en Suisse puis au Canada, pour permettre aux Kogis de racheter leurs terres. Cette solution peut sembler absurde mais elle reste la seule efficace dans un contexte où le droit public protège mal les peuples autochtones, dont l’existence n’a été reconnue pour la première fois que par la Constitution Colombienne de 1991. Tchendukua a racheté une première terre de 50 hectares en 1998, suivie par d’autres, représentant aujourd’hui un total de plus de 1500 hectares. Mais l’engagement d'Eric Julien va au-delà du rachat des terres. Pour lui, "permettre aux Kogis d'entretenir leur différence, c'est aussi s'enrichir de leur regard sur le monde". Il a donc écrit deux livres et tourné plusieurs reportages pour les faire connaître, mais il organise aussi des conférences avec les Kogis, y compris dans les entreprises dans le cadre de son travail de consultant. Après tout, la culture des Kogis questionne autant notre relation à l'environnement que nos modes de management, "une discipline que les Kogis maîtrisent mieux que nous puisqu'ils la pratiquent depuis 3000 ans" rappelle Eric Julien.
Pour en savoir plus :
"Kogis, le réveil d'une civilisation précolombienne" d’Eric Julien (Editions Albin Michel, 2004)
Association Tchendukua :
- Tél. 0143650700
- Web : www.tchendukua.com

Seconde édition du prix des entrepreneurs sociaux du magazine Fast Company
C'est la deuxième année consécutive que le magazine américain Fast Company organise les "Social Capitalist Awards", qui à l'instar de la sélection des héros de Time magazine, vise à faire connaître des personnes et des organisations qui mettent en œuvre des initiatives positives pour changer le monde. Fast Company a établi avec son partenaire Monitor Group cinq critères de sélection : l'esprit d'entreprise, l'innovation, l'impact social effectif, l'ambition et la durabilité de l'action. Puis, sur un total de 226 candidats (pour moitié désignés par des experts, et pour moitié ayant fait acte de candidature spontanée), le magazine a sélectionné 25 champions du changement : des personnes qui, avec créativité, ingéniosité, audace et labeur, détournent les outils de l'entreprise pour réinventer efficacement notre avenir. Parmi les lauréats de cette année, on découvre notamment le parcours de Heather White qui après avoir enseigné le management au célèbre MIT a créé Verité, une ONG qui, en collaboration avec d'autres organisations locales, mène des audits sur les conditions de travail chez les sous-traitants de marques comme Tommy Hilfiger, Disney ou Timberland dans 66 pays ; ou encore le combat de Brett Jenks, dont l'organisation Rare Conservation soutient de manière originale plus de 70 écologistes et leurs projets locaux de protection de la nature - avec par exemple un talk-show radiophonique et écologiste à succès intitulé "Changing Tides", ou des programmes de formation aux méthodes innovantes de marketing social sur le terrain. Pour Fast Company, ces entrepreneurs sociaux et leurs projets viennent utilement nous rappeler que l'avenir se construit plus qu'il ne se prévoit.
Retrouvez tous les lauréats sur www.fastcompany.com/social

Good Vibrations : le sex-shop qui sort l'érotisme de la vulgarité
Good Vibrations a été créée en 1977 par une thérapeute sexologue californienne, Joani Blank, pour qui "le libre accès à l’information sur la sexualité et aux accessoires érotiques contribue à la santé et à l’épanouissement individuels". Ainsi, fondée sur l’idée que "le plaisir sexuel est un droit fondamental de la personne", l'entreprise propose des produits et de l’information pédagogique de qualité, avec une communication élégante jamais sordide ni vulgaire, orientée sur l’épanouissement et le bien-être. Good Vibrations (ou "Good Vibes" pour les intimes !) est aujourd'hui à la fois un sex-shop, un musée de l’érotisme, une maison d’édition et un centre d’information sur la sexualité épanouie, qui distribue ses produits dans ses deux boutiques de San Francisco, par correspondance et sur son site Internet.
Dans un secteur pour le moins inattendu (et joyeusement provocateur) voire moralement condamnable pour beaucoup, Good Vibrations est indubitablement une entreprise exemplaire du point de vue de la responsabilité sociale, dont l'engagement se manifeste à la fois dans la mission que dans le fonctionnement quotidien. Depuis 1990 l'entreprise appartient ainsi à sa centaine de salariés (en majorité des femmes), et la liste de ses caractéristiques "éthiques" est longue puisque Good Vibrations cherche à prendre le contre-pied de tous les dérapages de l'industrie pornographique : les boutiques lumineuses et propres sont ouvertes sur la rue ; les accessoires érotiques en silicone sont fabriqués localement par des artisans de la région ; des publications et ateliers gratuits sont consacrés à de la pédagogie positive et déculpabilisante sur la sexualité ; l'entreprise est signataire des Briarpatch principles, un code de conduite conçu par des entrepreneurs qui s’engagent sur des valeurs d’ouverture, d’honnêteté, de service à la communauté et de partage des ressources ; les produits sont présentés au moyen d’illustrations haut de gamme plus poétiques que les photos souvent tristement réalistes préférées par les concurrents ; les vidéos érotiques proposées sont sélectionnées à partir de différents critères responsables (comme l’utilisation de préservatifs, le respect de la dignité humaine dans l’ensemble des scènes représentées, le fait que le film emploie des acteurs appartenant à des minorités, etc.) ; enfin, un programme de mécénat contribue notamment à l’information et à la prévention du virus HIV.
Une initiative originale et exemplaire au pays du puritanisme, qui défriche des chemins risqués pour toute une série d'initiatives plus récentes - comme par exemple Coco de Mer, le magasin chic de lingeries et de produits érotiques créé à Londres par Sam Roddick (la fille de la fondatrice de The Body Shop).
Pour en savoir plus :
www.goodvibes.com
www.coco-de-mer.co.uk

Le biomimétisme amène l'industrie à imiter la nature pour mieux la respecter
La prochaine révolution industrielle sera fondée, non sur ce que l’on extrait de la nature, mais sur ce que l’on apprend d’elle. C’est la conviction de Janine Benyus, une biologiste américaine qui a eu, en 1997, l’idée du biomimétisme, en écrivant des livres sur l’incroyable adaptation des espèces à leur environnement. Selon elle, tous les organismes vivants savent répondre à leurs besoins vitaux en respectant les limites de leur environnement. Tous… sauf l’espèce humaine, qui depuis la première révolution industrielle ne tient plus compte des contraintes naturelles – cherchant même, avec les manipulations génétiques par exemple, à les modifier plutôt que de s’y adapter. Le résultat est une crise écologique sans précédent. Benyus rappelle ainsi que la fibre la plus solide fabriquée par l’homme, le Kevlar, est faite à partir de dérivés pétrochimiques et d’acide sulfurique, chauffés à plusieurs centaines de degrés, ce qui entraîne une forte consommation d’énergie et des rejets toxiques ; par contraste, la soie de l’araignée, plus solide que le Kevlar et cinq fois plus résistante que l’acier, est fabriquée sans produits chimiques, avec des cadavres d’insectes, à température ambiante. D’où l’idée d’utiliser la nature comme source d’information, d’inspiration et d’innovation. Comme jadis les Eskimos ont imité les ours polaires jusque dans leur façon de chasser, à plat ventre sur la glace. Ou comme les filets de pêche imitent les toiles d’araignée et les avions les ailes des oiseaux.
Après tout, les problèmes que nous nous posons, d’autres êtres vivants ont su les résoudre : il suffit donc de se demander comment la nature s’y prend pour obtenir ce que nous recherchons, en interrogeant la biologie, la zoologie, la mycologie, et d’autres disciplines naturalistes. "Prenez l’exemple des peintures et des teintures qui sont très toxiques et n’existent pas dans la nature", raconte Benyus. "Dans la nature, la couleur provient soit d’un pigment interne soit de la structure : c’est le cas des plumes de paon ou des ailes de papillon qui sont en réalité marron mais dont la structure joue avec la lumière pour créer l’impression de couleur … Un fabricant japonais s’est inspiré de ce processus pour créer Morphotex, un tissu dont la couleur vient de la structure et de la façon dont elle accroche la lumière. Même chose pour les détergents, dont on essaie d’améliorer les formules pour les rendre plus écologiques, sans d’abord se demander : comment faire pour rester propre ? Dans la nature, les humains sont les seuls êtres vivants à utiliser du savon, alors que tous doivent rester propres - les plantes pour que la photosynthèse puisse se faire, et les animaux pour prévenir les infections. Là encore, une peinture extérieure comme Lotusan, de la société STO, s’inspire de la structure des feuilles de lotus qui utilisent la pluie pour se débarrasser de la poussière. Aujourd’hui, un chercheur anglais est même en train de développer une alternative à la réfrigération des vaccins, qui pose beaucoup de problèmes liés aux ruptures dans la chaîne du froid : il s’inspire pour cela de la façon dont une plante du désert de Namibie parvient à vivre plus de 1500 ans parce qu’elle préserve ses substances vitales des conditions climatiques extrêmes en les concentrant comme des sirops…".
Nos connaissances sur le monde naturel doublent tous les cinq ans, et elles portent désormais autant sur la chimie, la structure moléculaire, que sur les interactions entre espèces au sein des écosystèmes. On peut donc aussi imiter tout cela, et plus seulement la forme : autant dire que l’industrie a aujourd’hui l’opportunité de comprendre la nature et de s’en inspirer comme jamais auparavant. "La nature est un professeur, pas un fournisseur", martèle Janine Benyus, "et le biomimétisme commence en sortant de chez soi, avec la capacité à observer et à s’émerveiller ! ".
Pour en savoir plus : www.biomimicry.net

Kuyichi : une marque de jeans qui a du style et des valeurs
La marque de jeans biologiques et équitables Kuyichi a été créée en 2000 par Solidaridad, une ONG hollandaise historiquement spécialisée dans la lutte contre la pauvreté et dont l’objectif est aujourd'hui de sortir le commerce équitable de l’ornière alternative pour en intégrer les principes dans la consommation courante. Kuyichi tire son nom du dieu péruvien de l’arc-en-ciel qui, selon une légende indienne, confisqua toutes les couleurs de la vie suite à une colère contre les humains. Ce n’est alors qu’en travaillant l’art du tissage que les Indiens purent ramener les couleurs sur Terre. D’après ses fondateurs, c’est cette approche positive que la marque Kuyichi souhaite contribuer à développer dans le monde! Sans renoncer dans ses collections au style "sexy" capable de séduire ses clients jeunes et urbains, Kuyichi entend en revanche se différencier de ses concurrents par un "plus" éthique.
Concrètement, les efforts de Kuyichi portent notamment sur les conditions de culture du coton, qui constitue sa matière première principale et représente, dans le monde, 24% des pesticides pour 2,4% seulement de la surface agricole. La toile denim des jeans Kuyichi est donc en coton biologique certifié venant d’Ouganda, tandis que les tee-shirts vendus par la marque sont fait à 70% de coton biologique péruvien. Fidèle aux engagements de l’association qui l’a créée, Kuyichi est également très attentive aux conditions sociales de production : les producteurs actuels, dont la société coopérative Oro Blanco au Pérou, sont ainsi encouragés à devenir actionnaires de l’entreprise, et Kuyichi développe des relations avec des producteurs en Inde, en Turquie et en Tunisie qu’elle aide à obtenir la certification sociale SA 8000. Enfin, Kuyichi fait partie, avec deux autres marques néerlandaises, du réseau Made By, créé par Solidaridad pour aider les marques textiles à rendre plus éthique leur chaîne d’approvisionnement mais aussi pour sensibiliser les consommateurs à l’intérêt de choix plus responsables dans le domaine de la mode.
Pour en savoir plus :
www.kuyichi.com
www.solidaridad.nl
www.oroblanco.org
www.made-by.org




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